Les Toraja : artisanat sacré et traditions vivantes de Sulawesi
À la rencontre des Toraja
Au cœur des montagnes du Sud de l'île de Sulawesi, en Indonésie, vit le peuple Toraja, célèbre pour ses rites funéraires spectaculaires, sa culture animiste et son attachement aux traditions ancestrales. Le mot Toraja signifie littéralement ceux des hautes terres. Bien qu’aujourd’hui majoritairement chrétiens, les Toraja perpétuent un système de croyances complexe appelé Aluk To Dolo (« la voie des anciens »), qui régit l'organisation sociale, les rituels, l’agriculture… et l’architecture.
Une architecture unique au monde
Les maisons traditionnelles Toraja, appelées Tongkonan, se distinguent immédiatement par leurs toits en forme de coque de bateau retournée, élancés vers le ciel. Construites sur pilotis, ces habitations sont à la fois lieu de vie, symbole de statut familial et espace rituel.
Le principal style architectural de la région est donc celui des maisons Tongkonan, érigées selon des savoir-faire anciens transmis de génération en génération. Ces structures possèdent une histoire riche et un symbolisme dense : leur forme et leur design géométrique sont dictés par les croyances du clan qui les bâtit. Chaque Tongkonan a sa propre histoire, inscrite dans sa structure comme dans ses ornements.
La forme si singulière, évoquant un bateau, n’est pas anodine : elle renvoie aux origines maritimes mythiques du peuple Toraja, mais aussi à l’idée de voyage entre les mondes – celui des vivants et celui des ancêtres. En tant qu’unité d’habitation traditionnelle, la maison est étroitement liée aux activités rituelles : elle accueille les cérémonies de naissance, les rites funéraires, les fêtes des moissons.
Ancrées dans le paysage depuis des siècles, les Tongkonan continuent de jouer un rôle essentiel dans la vie communautaire. Elles sont des repères identitaires et spirituels, mais également des lieux de stockage : certaines parties de la maison sont réservées à la conservation du riz, garant de la subsistance du foyer.
Une symbolique dense et codifée
L’ornementation des maisons Toraja n’est jamais décorative au sens occidental. Chaque forme, chaque couleur, chaque motif a un sens précis, transmis au sein des clans depuis des générations.
Les constructions Toraja sont toutes ornées de symboles qui portent chacun un nom et une signification. On les retrouve principalement sculptés dans le bois ou peints sur les façades, selon une palette codifiée : rouge pour la vie, noir pour la mort, blanc pour la pureté, jaune pour la bénédiction divine.
Ces symboles sont profondément ancrés dans une vision du monde où la nature, les ancêtres et les forces invisibles dialoguent. Ils servent à protéger la maison, à rappeler l’histoire du lignage, mais aussi à attirer la prospérité
Principaux symboles torajas
On sculpte souvent des motifs inspirés du monde végétal ou animal, qui incarnent des vertus précises :
– les plantes et les animaux doux (comme les colombes ou les cerfs stylisés) symbolisent la bienveillance, l’humilité et la paix
– les représentations liées à l’eau – têtards, crabes, plantes aquatiques – évoquent la fertilité, la croissance et la promesse de champs de riz abondants
– les bœufs, omniprésents, sont le symbole de la richesse et du prestige : plus une famille possède de buffles, plus elle est considérée comme influente au sein de la communautéÀ travers cette iconographie, c’est toute une cosmologie Toraja qui s’exprime, tissée d’équilibres entre terre, eau, ciel et monde des esprits.
La croix
On pense que les motifs en croix proviennent des croyances hindouistes et bouddhistes ou qu’ils ont été copiés d’après les vêtements traditionnels indiens. Les Torajas chrétiens quant à eux utilisent ce signe pour symboliser leur foi ou à but décoratif.
La croix Toraja, appelée Pa’tedong, est en réalité un ancien symbole cosmique, bien antérieur à la christianisation. Elle représente l’équilibre entre les mondes visibles et invisibles, les quatre points cardinaux et la connexion entre les ancêtres et les vivants. C’est un motif de protection et d’harmonie, souvent placé au centre des façades.le coq
Animal totémique par excellence, le coq occupe une place centrale dans la culture Toraja. Il incarne la virilité, le courage, la vigilance, mais aussi le lien avec le monde spirituel. Sculpté en relief sur les pignons des maisons ou figuré sur les objets rituels, il est omniprésent dans l’iconographie traditionnelle.
Cet animal incarne l’offrande aux Dieux : lors des cérémonies funéraires, des combats de coqs sont organisés comme une forme de sacrifice rituel, permettant d’accompagner l’âme du défunt dans son voyage vers l’au-delà. Ce n’est pas un simple divertissement, mais un acte sacré.
Selon le folklore Toraja, le coq est considéré comme une créature intelligente et sage. Il veille, annonce le jour, relie les hommes aux esprits par sa voix et son comportement. À travers lui, c’est l’ordre cosmique qui s’exprime.
Les Joglos traditionnels de Java
Le Joglo est un autre type de construction vernaculaire propre à la bourgeoisie javanaise cette fois, qui a influencé le développement de l'architecture coloniale néerlandaise en Indonésie.
Le joglo, qui porte ce nom du à la forme de son toit en forme de volcan est le type d’habitation qui a le toit le plus pentu et le plus complexe.
La partie haute de chaque toit est soutenue par quatre ou plusieurs colonnes principales en bois appelées « soko guru », complétées par les « tumpang sari » (couches essentielles), une série de poutres horizontales
décalées, impair avec des sculptures élaborées, qui relient les piliers les
uns aux autres et soutiennent la partie centrale du toit.Ces toits sont très souvent décorés de pièces faites en argile comme des oiseaux, coqs. On pense que l’intégration de ces derniers éléments datent de la période Majapahit qui s’étend du XIIIeme au XVIeme siecle et qui correspond à la période où le royaume hindouiste était présents sur Java entre le 13ème et le 16ème siècle.
Agencement du complexe Joglo
Ces maisons sont toujours organisées autour de plusieurs bâtiments orientés sur un axe nord-sud.
L’entrée se fait par la porte principale Lawang pintu. A l’avant du complexe on trouve le pendopo, grand pavillon ouvert et de forme rectangulaire. C’est là que l’on reçoit les invités et où se déroulent les cérémonies. Il est relié à l’habitation principale.
Cette structure ancestrale, apparait sur des exemplaires sculptés sur les bas-reliefs de Borobudure, temple bouddhique historique situé au cœur de Java datant des VIIIe et IXe siècles.
La Omah qui est la maison principale. On trouve à l’avant du bâtiment une véranda emperan qui accueille les activités de la famille. Bien souvent, une porte ornée ouvre sur la pièce centrale dalem plus sombre : c’est dans cet espace que dort la famille. Plus à arrière, on trouve trois plus petites pièces qu’on appel lesenthong. La pièce située à l’est sert à garder tous le materiel servant à culiver la terre, et la pièce au centre est sacrée et réservée à célébrer Dewi Sri, la déesse de la fertilité et du riz. C’est ici que l’on célèbre les marriages et celle à l’ouest sert justement à stocker le riz.